Retour sur la Commémoration de l'Armistice de 1918

Retour sur la cérémonie commémorative du 102e anniversaire de l'Armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale

Mercredi 11 novembre 2020, à l'occasion du 102e anniversaire de la fin du conflit de 1914 - 1918, Patricia TORDJMAN, maire de Gentilly, Nadine HERRATI, adjointe au maire en charge du Travail de mémoire, la municipalité et l'Union des anciens combattants (ULAC) ont honoré la mémoire des soldats gentilléens disparus lors de la Première Guerre mondiale.

 

Discours de Nadine HERRATI au nom de la municipalité :

Mesdames, Messieurs,

Un siècle. Voilà un siècle qu’une des plus grandes boucheries ayant ensanglanté l’Europe prenait fin.

C’est à la fois loin et proche.

À Rethondes, le 11 novembre 1918 au petit matin, une convention d’armistice est signée entre le maréchal Foch, commandant en chef des armées alliés, et le secrétaire d’État Erzberger, président de la délégation allemande.

Après cinquante-deux mois de souffrance, les combats sont suspendus. Il faudra attendre le 28 juin 1919 pour qu’un traité de paix entre l'Allemagne et les Alliés soit signé. À cette date seulement, la guerre qui avait débuté 5 ans plus tôt à Sarajevo prend fin…

Le bilan humain et matériel est terrible.

Humain tout d’abord, avec plus de 9 millions de morts et disparus (1,4 million pour la France), plus de 21 millions de blessés (4 millions en France).

Matériel ensuite, puisque sans tenir compte des dettes contractées à l’extérieur, il a été calculé que la guerre avait fait perdre à la France l'équivalent de onze années d’investissement (niveau de 1913).

Hélas, les événements de l’immédiat après-guerre sont tout aussi dramatiques.

L’historien Robert Gerwarth, dans son ouvrage Les Vaincus, met en lumière les secousses aussi violentes que dramatiques qui ont convulsé l'Europe de 1917 à 1923, évoquant notamment les pays baltes, l'Europe orientale ainsi que l'ancien empire ottoman qui ne retrouveront qu'une situation très relativement apaisée après 1923.

Pogroms, expulsions de masse, guerres civiles et crimes d’une dimension génocidaire, la Première guerre Mondiale inaugure une bien triste période pour l’humanité, que le second conflit mondial parachèvera dans l’horreur absolue.

Car en réalité, 1914 et 1945 ne font qu’un, constituant ce que le Général de Gaulle a qualifié de « Seconde Guerre de Trente ans ». La « Der des der » ne le sera finalement pas…

La fin de la première guerre marque également une étape importante dans le processus de libération des peuples colonisés, qui ont été mis à contribution durant les combats.

De 1914 à 1918, en France, un peu plus de 800.000 indigènes ont été enrôlés comme soldats ou comme travailleurs, dans l'ensemble des territoires constituant l'empire colonial (Afrique, Indochine, notamment). Près de 57.000 d'entre eux ont été tués et plus de 14.000 portés disparus.

Si la cause pour l’indépendance reste relativement embryonnaire, la Grande Guerre pose un premier jalon dans la conscientisation des populations colonisées.

Ainsi, le 4 mai 1919, peu après la naissance de la République chinoise, 3000 étudiants manifestent à Pékin, déjà sur la place Tien An Men 70 ans avant 1989. Ils dénoncent les « 21 conditions » présentées par le Japon à leur gouvernement, car elles tendent à une colonisation de la Chine.

De même, ils protestent aussi contre le traité de Versailles qui livre au Japon les concessions allemandes du Chang-toung, une province du nord du pays.

Cette volonté de s’affranchir de la volonté européenne trouvera sa traduction concrète dans le demi-siècle qui suit, avec l’accession à l’indépendance de l’espace afro-asiatique.

Oui, nous devons donc nous souvenir. Oui, nous devons pouvoir tirer les leçons des tragédies historiques.

La Première Guerre Mondiale fut, entre autres, le résultat de la rivalité économique et politique entre puissances européennes rongées par la nationalisme, résultat du jeu des alliances ainsi que de la montée aux extrêmes.

Sans procéder à des comparaisons hasardeuses, nous devons prendre garde aux événements de notre actualité qui font en partie écho à ce terrible passé.

Il nous suffit d’observer la situation de tension entre la Turquie et la Grèce dans la course aux réserves de gaz naturel en Méditerrané orientale, avec le risque d’une escalade incontrôlée.

La lutte pour les ressources naturelles continue ainsi de structurer la vie internationale.

En revanche, les guerres climatiques représentent une « nouveauté » dont l’élue écologiste se serais bien passée.

Rappelons-nous qu’en 2007, le secrétaire général de l’ONU d’alors, Ban Ki-moon, avait qualifié le conflit au Darfour de « première guerre du changement climatique ».

Depuis 2003, cette guerre a fait 300 000 morts et provoqué le déplacement de deux millions et demi de personnes.

Ainsi, l’économiste de Berkeley Marshall Burke, a établi un lien entre changement climatique et guerres en Afrique subsaharienne.

En comparant les courbes de températures et l’historique des conflits, ce dernier a prédit que les guerres causées par le réchauffement climatique feraient plus de 459 000 morts d’ici à 2030 !

Contrairement à il y a un siècle, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Contrairement à il y a un siècle, nous pouvons agir si nous nous en donnons les moyens.

Face aux mutations climatiques, aux avancées technologiques et aux bouleversements sociaux, il n’est question pas de leçons incantatoires.

En revanche, nous connaissons les conséquences de la tentation du repli et du chacun.e pour soi...

Les millions de mort.e.s du siècle dernier en sont l’atroce témoignage et leurs sacrifices ne doit pas être vain.

À cette fin, il faut une vraie paix, une paix positive.

Cette distinction entre une paix négative et une paix positive est très justement définie par le politologue allemand Johan Galtung.

La paix négative est toute paix définie par ce qu'elle n'est pas, c'est à dire ressentie par l'absence : absence de guerre, de conflit armé, d'actes de violences.

La paix positive est toute paix définie par ce qu'elle "est", c’est-à-dire avec en bonne place "la coopération, une vie à l'abri de la peur, du besoin et de l'exploitation, l'égalité et la justice […]».

Construire la paix positive donc, c’est construire la paix à la bonne échelle.

Construire la paix positive, c’est construire une Europe solidaire aujourd’hui et un monde plus sûr demain, avec les outils d’une gouvernance représentative, juste et pacifique.

Construire une paix positive, c’est également une paix à hauteur de femme et d’homme et c’est à notre échelle locale qu’elle agit.

Cette cérémonie du souvenir entend – très modestement ! – s’inscrire dans cet esprit !

Je vous remercie.